Avec The Others, Mickael Dell’Ova connecte jeu vidéo et santé mentale

5 Juin 2025 | Actualités, Financement

Comment redonner aux jeux vidéo la capacité d’éveiller nos perceptions et de nourrir notre compréhension du monde ? Dans un univers où le divertissement est souvent déconnecté des réalités humaines, le projet The Others, porté par Mickael Dell’Ova, invite à explorer autrement, à ressentir, à comprendre sans enseigner, à s’ouvrir à ce que l’on ne voit pas toujours. Ce jeu narratif se positionne à la croisée du sensible et de l’engagement, proposant une expérience immersive qui interroge nos regards sur la santé mentale, la différence et l’invisible. Plus qu’un simple divertissement, c’est une invitation à repenser l’éducation par l’émotion et l’empathie.

Camille Guérin à Angoulême

Alors Mickael, comment en es-tu arrivé là ? Quel a été ton parcours ?

Je suis game designer, consultant et enseignant, avec plus de dix ans d’expérience dans l’industrie du jeu vidéo. J’ai travaillé sur des titres majeurs comme Assassin’s CreedJust DanceSteepBeyond Good & Evil 2Eve Online ou encore Alan Wake 2. En parallèle, j’enseigne le game design en mettant particulièrement l’accent sur les enjeux éthiques, sociaux et inclusifs de ce médium.

J’ai fondé EthicALL Games, un studio indépendant dédié à la création de jeux vidéo éthiques et inclusifs. Mon premier projet, The Others, est un jeu narratif engagé qui aborde la santé mentale et les handicaps cognitifs à travers des récits intimes et immersifs. Ce projet est soutenu par une campagne de financement participatif sur la plateforme My Moojo.

Qu’est-ce qui t’a inspiré à créer The Others ?

Ce qui m’a inspiré à créer The Others, c’est une histoire profondément personnelle. Ma mère souffrait de maladie mentale, et elle a mis fin à ses jours. Cet événement a marqué ma vie de manière irréversible. J’ai grandi avec beaucoup de questions, de silences, de douleurs qu’on n’arrivait pas toujours à nommer.

Ma grand-mère, elle, est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Voir cette femme que j’aime tant perdre peu à peu ses repères, ses souvenirs, son identité, m’a aussi profondément bouleversé. À travers ces expériences, j’ai compris à quel point notre société reste mal à l’aise avec la souffrance psychique, et combien il est difficile de faire entendre ces réalités sans jugement, sans stigmatisation.

The Others est né de cette urgence-là : celle de raconter, de donner une voix à celles et ceux qu’on n’écoute pas. C’est un jeu sur la mémoire, la perception, l’amour, le silence, mais surtout sur l’humanité qu’il y a derrière chaque trouble, chaque diagnostic.

Je suis convaincu que le jeu vidéo peut être un vecteur puissant d’empathie. J’ai voulu utiliser ce médium pour faire ressentir, pour ouvrir des portes, pour tendre la main. Parce que derrière la maladie, il y a des histoires. Et derrière ces histoires, il y a des êtres humains.

 

Et concrètement, en quoi consiste The Others et quel est l’objectif ?

Le but du jeu est d’aider chaque patient·e à résoudre un problème spécifique lié à son vécu ou à sa pathologie, afin de glaner des informations sur le mystère qui entoure le manoir, la raison de votre présence ici, et ainsi découvrir ce qui est arrivé à l’énigmatique patient disparu, surnommé « L’Autre ».

Chaque particularité ou handicap offre une expérience de gameplay unique, conçue pour sensibiliser les joueurs et joueuses à la diversité cognitive et/ou aux maladies mentales, à travers des personnages et des histoires poignantes. À chaque pathologie est associé un « don » paranormal qui sera débloqué à la résolution de chaque phase de gameplay liée à un·e patient·e. Ces « dons » vous permettront alors de débloquer de nouvelles interactions ou éléments de progression. Nous sommes ici dans une approche de rhétorique procédurale dont le message est que dans chaque différence se trouve une force.

À travers ce thriller psychologique, je souhaite sensibiliser de manière interactive, immersive et intelligente à différents handicaps cognitifs et maladies mentales (Aphasie, bipolarité, TDAH, Alzheimer, troubles de la personnalité…) en utilisant des approches de design innovantes et éthiques, telles que la rhétorique procédurale, la narration environnementale, le design objectif et inclusif, et bien entendu l’accessibilité.

Plus qu’aborder les questions liées aux pathologies du cerveau, The Others sera à la pointe des approches d’accessibilité, et jouable par tout le monde, sans exception, grâce à l’intégration des normes d’accessibilité dans chaque processus de design.

Quel impact souhaites-tu avoir dans le domaine de l’éducation avec ce jeu ?

Avec The Others, je cherche à créer un impact sociétal profond, sans pour autant revendiquer une étiquette de « serious game ». Ce n’est pas un outil pédagogique déguisé, ni une leçon de morale interactive. C’est une œuvre narrative, sensible et immersive, qui utilise les forces du jeu vidéo, l’incarnation, le choix, l’émotion pour faire ressentir des réalités qu’on ignore, qu’on juge ou qu’on fuit.

Ce que je vise, c’est une forme de réconciliation entre le divertissement et l’engagement. Montrer qu’un jeu peut être beau, intense, captivant, tout en traitant de sujets lourds comme la dépression, l’Alzheimer, le stress post-traumatique ou le mutisme. Sans pathos, sans misérabilisme. Juste avec humanité.

The Others est un jeu qui questionne notre rapport à la différence, à l’invisible, à ce qui dérange ou fait peur. Il invite à regarder autrement, à ressentir plutôt qu’à juger. Et c’est là que réside, je crois, son vrai potentiel d’impact. Pas dans l’enseignement, mais dans la transformation intime des perceptions. Ce moment où le jeu ne se contente plus de distraire, mais devient miroir, écho, déclencheur de conversations essentielles.

Je ne veux pas faire un jeu « utile ». Je veux faire un jeu qui touche. Et s’il peut, ce faisant, contribuer à changer certains regards ou ouvrir certains silences, alors il aura déjà accompli quelque chose de puissant.

Pourquoi as-tu choisi le crowdfunding pour financer ton projet et pourquoi My Moojo ?

J’ai choisi le crowdfunding car The Others est un projet profondément personnel, engagé, indépendant et il ne rentre pas dans les cases classiques du financement jeu vidéo. Je ne veux pas attendre qu’un comité décide si c’est « bankable » ou « trop risqué ». Je veux m’adresser directement aux personnes que ce projet touche, intrigue ou émeut, et leur proposer de le construire avec moi, dès le départ.

Le crowdfunding, c’est aussi un acte de confiance mutuelle. Je montre une vision, une sincérité, et les gens choisissent d’y croire. Ce lien, pour moi, a plus de valeur que n’importe quel business plan. Il permet de poser les fondations d’un studio qui ne triche pas, qui ne sur-promet pas, et qui met le sens avant la rentabilité.

Quant à My Moojo, c’était une évidence. C’est une plateforme française, éthique, qui met en avant des projets culturels et à impact social. Leur équipe est à l’écoute, impliquée, et leur modèle valorise la transparence et l’accompagnement. Je ne voulais pas noyer The Others dans une plateforme impersonnelle. Je voulais un endroit cohérent avec mes valeurs, et My Moojo, c’est exactement ça.

Quels sont les défis que tu rencontres pendant ta campagne et comment as-tu prévu de les surmonter ?

Le plus grand défi, c’est la visibilité. Je ne viens pas avec une grosse communauté ou une machine marketing derrière moi. The Others est un projet indépendant, fragile et sincère, qui a besoin d’un vrai bouche-à-oreille pour exister. Dans un univers saturé, capter l’attention sur un jeu narratif engagé, ce n’est pas évident — surtout quand il ne propose pas de promesse spectaculaire, mais une expérience émotionnelle et introspective.

Un autre défi, c’est de faire comprendre l’intention du jeu. Parce que The Others ne se présente ni comme un divertissement pur, ni comme un serious game assumé. C’est un entre-deux, qui parle de sujets profonds sans jamais imposer de discours. Il faut donc le faire ressentir, plus que l’expliquer.

Pour surmonter ça, j’ai misé sur trois choses :

  1. La transparence et l’émotion : je parle sincèrement de ce qui m’a poussé à créer ce jeu, de mon histoire personnelle, de mes inspirations. Je pense que l’authenticité touche plus que les arguments commerciaux.
  2. Des relais de confiance : je m’entoure de personnes et structures qui partagent mes valeurs (presse engagée, acteurs de l’inclusion, professionnels du jeu narratif) pour relayer la campagne avec sincérité.
  3. Des formats accessibles : vidéos courtes, stories, interventions, rencontres… Je cherche à créer du lien humain, pas juste à “vendre” une idée.

The Others n’est pas un produit. C’est un projet de cœur. Et si je réussis à le faire ressentir, je crois qu’il trouvera les bonnes personnes pour l’aider à exister.

Parmi tes contreparties, y a-t-il des offres exclusives à ta campagne de crowdfunding ?

Oui, plusieurs contreparties de la campagne de The Others sont pensées comme exclusives et limitées, pour remercier les personnes qui soutiennent le projet dès le début. Ces offres ne seront jamais disponibles après la campagne.

Parmi ces exclusivités :

  • L’accès anticipé au prototype jouable, plusieurs mois avant tout le monde, avec possibilité de faire des retours et d’influencer le développement.
  • L’intégration dans les crédits du jeu en tant que soutien fondateur·rice.
  • Un artbook numérique inédit, contenant des visuels de production, des croquis, des textes de réflexion sur la création et les coulisses du projet.

Ces contreparties ne sont pas de simples “bonus” : elles participent à la relation intime et sincère que je veux construire avec la communauté autour de The Others. C’est une manière de dire : vous avez été là dès le début, et ça comptera pour toujours.

Comment souhaites-tu impliquer ta communauté dans ton projet ?

Je ne vois pas The Others comme un projet solo, mais comme une aventure collective. J’ai envie d’impliquer la communauté dès le début, non pas comme de simples spectateur·rices, mais comme des co-créateur·rices de sens.

Concrètement, ça passe par plusieurs choses :

  • Des accès en avant-première au prototype, pour récolter des retours, des ressentis, et ajuster certaines mécaniques ou intentions.
  • Des échanges réguliers via des mails, des lives ou des posts pour montrer les coulisses du développement, les doutes, les avancées… et construire une relation de confiance.
  • Des votes ou sondages sur certains choix symboliques (par exemple : le visuel d’un objet clé, le nom d’un lieu, une citation en ouverture).
  • Des appels à témoignages anonymes, pour nourrir la narration avec des fragments de vécu de personnes concernées (avec leur accord, évidemment).

Je veux que les personnes qui soutiennent ce projet se sentent vues, entendues, respectées. Qu’elles aient une vraie place. Parce que The Others parle d’invisible, de fragilité, de mémoire. Et que pour raconter tout ça avec justesse, il faut créer un espace humain, pas seulement un produit.

Quels sont tes objectifs à court et long terme pour The Others ?

À court terme, mon objectif principal est de réussir cette campagne de financement participatif. Elle me permettra de poser les bases concrètes du projet :

  • créer officiellement le studio EthicALL Games
  • développer un prototype jouable de The Others, suffisamment solide pour convaincre des partenaires publics et privés de rejoindre l’aventure

Ce prototype sera aussi l’occasion de commencer à construire une communauté engagée, qui pourra tester, donner son avis, et participer à certaines décisions clés du développement.

À long terme, je souhaite faire de The Others un jeu complet, narratif, accessible et marquant, disponible sur PC et consoles, avec une forte portée émotionnelle et sociale. Un jeu qui puisse toucher le grand public tout en restant fidèle à sa vision éthique et poétique.

Au-delà de ce titre, The Others est la première pierre d’un projet plus vaste : faire d’EthicALL Games un studio reconnu pour ses créations engagées, qui explorent les thématiques de l’humain, de la mémoire, de la diversité et de la fragilité, à travers des expériences interactives fortes.

Mon rêve, c’est de prouver qu’on peut faire des jeux différents, sincères, et qu’ils peuvent avoir un vrai impact, sans jamais sacrifier l’exigence artistique ou la profondeur ludique.

Et toi, c’est quoi ton mojo ?

Mon mojo, c’est « Faire du jeu vidéo un espace d’humanité. »

Créer des expériences qui touchent, qui dérangent parfois, mais qui laissent une trace.

Des jeux où l’on ne gagne pas des points, mais où l’on gagne en compréhension, en nuance, en émotion.

Je viens d’un milieu où la fragilité, la différence, la douleur mentale ont longtemps été tues ou jugées. Mon mojo, c’est d’utiliser ce que j’ai vécu pour en faire quelque chose de beau, de collectif, d’utile.

Et si un jeu peut faire pleurer, réfléchir ou simplement faire sentir à quelqu’un qu’il ou elle n’est pas seul·e… alors j’aurai réussi.

Pour terminer, quel(s) conseil(s) donnerais-tu à d’autres porteur(euse)s de projets qui allient jeu vidéo et éducation, et souhaitent lancer une campagne de crowdfunding ?

Le premier conseil que je donnerais, c’est : soyez sincères. On ne finance pas un projet engagé ou éducatif comme un jeu classique. Les gens ne vous soutiennent pas juste pour “le fun” ou la promesse d’un gameplay, ils vous soutiennent pour ce que vous incarnez, pour le sens que vous portez. Donc parlez avec le cœur. Assumez vos fragilités, vos motivations profondes, vos blessures parfois. C’est ça qui touche.

Ensuite : ne cachez pas la dimension ludique. Même si vous traitez de sujets sérieux, n’ayez pas peur de rester joueur·se. Un jeu éducatif ou social n’a pas besoin d’être ennuyeux pour être légitime. C’est même l’inverse. L’émotion, l’engagement, le plaisir de jeu sont vos meilleurs leviers pédagogiques.

Enfin, soyez prêt·es à vous battre pour la visibilité. C’est dur, c’est chronophage, ça peut être décourageant. Mais entourez-vous. Trouvez vos allié·es, vos relais, vos premières personnes touchées par votre démarche. Et surtout, avancez pas à pas. Ce n’est pas une course au buzz, c’est une aventure humaine. Et chaque soutien, chaque message, chaque partage compte.


👉 Rejoignez la partie en soutenant The Others dès à présent ! 

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Ambassadrice My Moojo
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